Gestion des conflits et gouvernance foncière : Construire des institutions pour une paix durable au Sahel

A group of Nigerien women and children read a Mercy Corps poster.
Des femmes qui s’informent sur la gouvernance foncière avec un poster produit et affiché par JASS dans un village de la commune de Karofane.
03 Juillet 2025

Dans la région sahélienne, les conflits fonciers dépassent largement la simple contestation des droits d’usage ou des limites territoriales. Ils incarnent des tensions historiques profondes entre modes de vie, appartenances communautaires, et systèmes de gouvernance souvent incompatibles ou dysfonctionnels. Consciente de l’enjeu stratégique que représente la terre dans la stabilité régionale, le programme Justice et Stabilité au Sahel (JASS) déploie depuis deux ans une approche holistique de gestion des conflits fonciers, fondée sur le renforcement institutionnel, l’inclusion, la justice et la gouvernance participative.

Au cœur de l’approche de la JASS se trouve une conviction : pour qu’un système de gestion foncière soit efficace et préventif, il doit être légitime, accessible et inclusif. L’évaluation à mi-parcours du programme témoigne d’avancées significatives. La confiance des communautés envers les institutions locales de gestion des conflits est passée de 81 % à 95 %, et 83 % des habitants estiment aujourd’hui que les terres sont gérées pacifiquement (contre 41 % auparavant). Ces résultats sont le fruit d’un travail minutieux de structuration des commissions foncières (COFO), tant communales que villageoises, dont les capacités ont été renforcées.

Au Mali, 86,67 % des conflits fonciers traités par les COFO ont été résolus (39 sur 45). Au Niger, 57,14 % des conflits ont trouvé une issue (16 sur 28), avec 239 633 hectares sécurisés et 79 actes fonciers délivrés par les COFOB. A noter que le rôle des commissions foncière au Niger, n’est pas principalement de gérer les conflits. Ces progrès témoignent de l’efficacité croissante de ces organes dans des contextes où la gouvernance foncière était auparavant ad hoc, opaque, voire source d’exclusion.

A close-up photo of a man holding a land deed.
Un modèle d’acte foncier utilisé par les commissions fournis par par JASS.

La gouvernance foncière inclusive constitue un autre pilier de l’approche JASS. Les résultats montrent un élargissement réel de la participation, avec 30,43 % de femmes et 49,67 % de jeunes représentés dans les instances locales. En parallèle, la documentation des droits fonciers a été normalisée, et des procédures formelles de conciliation ont été introduites, renforçant la transparence et la prévisibilité des décisions.

Un exemple transformateur est l’introduction de procédures judiciaires mobiles ("audiences foraines") qui ont permis l’homologation de 10 procès-verbaux de conciliation. En rapprochant les systèmes judiciaires formel et coutumier, le programme JASS améliore l’accès à la justice et renforce la légitimité des accords communautaires.

Aussi, les tensions entre éleveurs et agriculteurs sur les couloirs de transhumance constituent une cause majeure de conflits au Sahel. Pour y répondre, JASS a mis en œuvre une stratégie ciblée au Niger, notamment dans des zones sensibles comme Karofane, Gogarma et Golondi. Résultat : le taux de respect des couloirs de transhumance a grimpé à 81 % (contre 57 % auparavant), avec des pics à 90 % au Niger. Ces évolutions reflètent une meilleure acceptation des règles de mobilité et de partage des ressources naturelles.

À travers une approche intégrée mêlant renforcement institutionnel, inclusion sociale, ancrage judiciaire et prévention proactive, JASS contribue à bâtir un véritable écosystème de paix autour de la gestion foncière. L'expérience montre que lorsque les communautés disposent d’institutions crédibles et de règles claires, elles optent pour le dialogue plutôt que pour la confrontation.

En s’attaquant aux causes structurelles de l’instabilité, JASS pose les bases d’une gouvernance foncière capable de résister aux tensions, de désamorcer les conflits et de soutenir durablement la cohésion sociale au Sahel. Ces résultats encourageants marquent une étape importante dans la deuxième année de mise en œuvre du programme – et rappellent que la paix durable se construit d’abord au niveau local, là où la terre reste un enjeu vital de justice et d’équité.